FRANCE
Web : https://www.facebook.com/miamcollectif/
Contact : Camille Rosa, la co-fondatrice avec Wilfried Lamy de l’association et du projet de cantine solidaire
Localisation: Perpignan, France
Secteur : Transformation, Vente et Services
Date de création : Avril 2018
Date de rencontre : Juin 2020
Maturité du projet : L’association a été créée en avril 2018. Depuis, l’organisation est mature avec 3 employés pour la cantine et 8 bénévoles dirigeant le collège. La cantine a terminé sa phase de lancement, atteint son rythme de croisière mais garde des projets pour l’avenir.
Camille Rosa est à la base du projet. Après un temps de maturation et de construction de l’idée, elle a été rejoint par Wilfried Lamy pour initier le Miam Collectif.
Camille n’a pas débuté sa formation professionnelle dans la restauration. Elle a suivi une formation dans l’audiovisuel qui l’a amenée à un poste de responsable communication dans l’association Justice Prison (aide aux personnes incarcérées). Alors qu’elle voulait un travail plus manuel, elle a quitté son association pour réaliser un CAP cuisine qui lui a beaucoup plu. Dans l’idée, elle ne se voyait pas ouvrir une entreprise de restauration mais plutôt une structure solidaire.
Afin de gagner en expérience dans le milieu de la restauration alternative autogérée, Camille a suivi un stage d’une semaine au sein de la Cantine des Pyrénées (Paris 20e), une cantine associative et solidaire qui fonctionne notamment sur le bénévolat, l’autogestion, la récupération d’invendus et les repas à prix libre. De la même manière, Camille a également rejoint le temps d’un stage un café autogéré puis la cantine de La casa consolat (Marseille), située dans un lieu culturel et basée sur de la récupération de viande, poisson etc. pour proposer des repas solidaires en fourchette de prix.
Ces différentes expériences ont permis à Camille de mieux comprendre le fonctionnement de la restauration solidaire. Le but étant à terme de créer son propre projet, basé sur un modèle économique viable, où elle pourrait se rémunérer tout en proposant une nourriture saine, de qualité et accessible à tous.
Camille a eu la chance de rencontrer Wilfried et de cuisiner avec lui à son lieu de travail de l’époque. Alors que le contrat de Wilfried arrivait à terme, ce dernier, convaincu par le projet de restauration solidaire, a décidé de rejoindre Camille. C’est ainsi que le Miam Collectif, une association ayant pour objectif de proposer une offre culinaire saine ouverte au plus grand nombre, est né en avril 2018, seulement quelques mois après leur rencontre.
Le Miam Collectif a démarré son activité par de la restauration en camion itinérant sur des festivals, dans des camps sur la décroissance etc. Ces expériences dans des situations complexes ont permis de former Camille et Wilfried ainsi que tester leurs limites en amont d’une installation plus stable.
Fin d’été 2018, Camille étant enceinte de 6 mois et Wilfried devant compléter son CAP cuisine jusqu’à la fin du premier semestre de 2019, l’activité du Miam s’est mise en pause. Camille et Wilfried en ont profité pour compléter des demandes de subventions qui les aideraient à construire la suite de projet.
Camille souhaitait s’installer dans le sud dont elle est originaire, c’est ainsi que l’implantation du Miam Collectif s’est faite à Perpignan, la ville où réside Wilfried depuis plus de 15 ans. Ils souhaitent y impulser une réelle dynamique dans le centre. À ce jour le principal projet du Miam Collectif est la cantine mais le but de l’association à terme est de porter d’autres projets solidaires.
Dès le printemps 2018, ils ont cherché un local dans Perpignan. Du fait de la spéculation immobilière dans le centre, il a cependant été très difficile de trouver un local abordable. Ils se sont finalement tournés vers une mutualisation de l’espace du bar L’atmosphère. C’est ainsi que la cantine du Miam a pu s’installer en Décembre 2019 sur la place Rigaud à Perpignan.
Trouver des fournisseurs en invendus de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique n’a également pas été une mince affaire.
La première option considérée reposait sur la récupération d’invendus auprès du grossiste AlterBio. Petit élément de contexte : Perpignan est un gros carrefour de fruits et légumes, la ville étant située à la frontière espagnole et dans une région maraîchère. De nombreux grossistes sont installés à St Charles International, première plateforme européenne de commercialisation, transports et logistique de fruits et légumes en Europe. Les invendus d’Alterbio transitent par l’association Phenix qui ne redistribue qu’aux associations reconnues d’intérêt général. Le Miam Collectif, bien qu’étant d’intérêt général, ne possédait pas ce statut, ne l’ayant pas formalisé à la création de l’association. L’association n’a donc pas pu bénéficier de ce partenariat avantageux.
Une autre voie était possible, celle de l’association « Les Sentiers » récupérant des invendus auprès d’Alterbio, et les vendant sous forme de paniers de fruits et légumes pour 5€.
L’option finale, choisie pour l’ouverture de la cantine, a été la récupération des invendus d’un des Biocoop de Perpignan, dont les portes ont été grandes ouvertes par le nouveau gérant de l’époque. Biocoop a été préféré aux autres options, les fruits et légumes récupérés étant gratuits et d’une qualité supérieure au simple label biologique, car majoritairement saisonnier et plutôt d’origine française. Ils ont par la suite déniché une autre source d’approvisionnement hebdomadaire via le magasin de producteurs O’PRÉS.
D’un point de vue financier, l’installation de la cantine – notamment matérielle – a été subventionnée par la Région Occitanie via l’appel à projet « Développons l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Le Miam Collectif a été lauréat Pyrénées Orientales et a perçu plus de 15 000€ de subventions.
Nous avons rencontré Camille et Wilfried en Juin 2020, depuis notre départ, l’équipe s’est agrandie pour accueillir une troisième salariée et une bénévole en freelance.
Lia Forcioli-Conti, formée chez Ferrandi à Paris, a travaillé dans plusieurs cuisines étoilées avant de rejoindre le Miam Collectif. Fatiguée de l’ambiance délétère qui régnait dans ce secteur exigeant de la restauration, elle a été séduite par l’atmosphère détendue et militante du Miam lorsqu’elle y a cuisiné bénévolement lors du premier confinement. Dès juillet, elle est devenue la troisième salariée de l’équipe de choc, libérant des heures à Camille et Wilfried et donnant la possibilité à la cantine d’ouvrir le samedi midi.
Charlotte Darnal, bénévole aguerrie du Miam, fait désormais également partie intégrante de l’équipe en mettant à profit ses compétences en gestion (administration, comptabilité) et son attrait pour le réseautage et la recherche de fonds.
– 50kg d’invendus de fruits et légumes récupérés chaque semaine, dont 70% sont valorisés en cuisine.
– 3 salariés et 30 bénévoles
– 25 couverts à prix libre (prix conseillé : 7€) chaque midi du mardi au samedi
– 30% des personnes accueillies sont dans une situation précaire
Récupération des invendus de fruits et légumes d’un Biocoop 2 fois par semaine et d’une épicerie biologique 1 fois par semaine pour les valoriser en cuisine.
Invendus spécifiquement choisis biologiques et le reste au maximum local et biologique également.
Le Miam Collectif est une association comptant une trentaine de bénévoles actifs (essentiellement des habitants du quartier), dont 8 qui font partie du collège dirigeant la structure. Camille et Wilfried n’en font pas partie, s’étant retirés du collège lorsqu’ils sont devenus salariés de la cantine du miam.
Le premier projet phare du Miam Collectif, porté par Camille et Wilfried, est la cantine solidaire. C’est un lieu chaleureux qui propose des menus végétariens à prix libre du mardi au samedi midi dans le bar l’Atmosphère sur la place Rigaud de Perpignan.
C’est un menu unique (entrée-plat-dessert), de qualité, variant tous les jours en fonction des invendus récupérés de la semaine. Le menu est à prix libre (avec toutefois un prix conseillé de 7€ pour équilibrer le coût du repas et des charges).
Chaque midi, grâce à l’aide d’au moins 1 bénévole, la cantine restaure une trentaine de personnes. La clientèle est variée, entre les amis et les habitants du quartier, avec environ 30% des personnes accueillies dans une situation financière précaire.
La cantine accueille de nombreux habitués mais depuis l’ouverture elle compte plus de 300 nouveaux adhérents à l’association (chaque nouveau client doit adhérer à l’association à hauteur de 10€ pour un an pour bénéficier des repas – prix exonéré pour les personnes en situation précaire).
L’association récupère 3 fois par semaine des invendus de fruits et légumes biologiques dans des magasins alentours. Deux récupérations se font auprès du Biocoop, le lundi et le mercredi, et la dernière se fait également le mercredi auprès d’un magasin de producteurs O’PRÉS. La nature des invendus varie chaque semaine et à chaque saison.
Camille, Wilfried et Lia s’occupent chacun d’une récupération, ils sont globalement satisfaits de ce qui leur est donné, malgré un manque de variété en intersaison (en avril-mai ce ne sont quasiment que des légumes feuille par exemple).
Chaque semaine, ce sont ainsi 50kg d’invendus qui sont triés puis préparés et cuisinés pour la cantine. En comptant les pertes (parties abîmées, épluchures etc), 70% des fruits et légumes sont sauvés et consommés par les clients du Miam.
Durant le premier confinement, le Miam Collectif a organisé la distribution de repas et de kits d’hygiène gratuits tous les samedis. L’initiative solidaire a ainsi fait bénéficier plus de 100 personnes en situation précaire chaque semaine.
Lors du second confinement, la cantine s’est réorganisée pour proposer des repas à emporter. Elle a également offert la possibilité aux personnes vulnérables de venir s’attabler, selon le principe de l’accueil inconditionnel.
En France, les supermarchés produisent, en fonction de leur surface, entre 10 et 120 tonnes de biodéchets/an.[1]
Si l’on regarde désormais les “pertes alimentaires” globales au niveau de la distribution, c’est à dire la part des biodéchets évitable qui finit malheureusement à la poubelle, cela représente 8 kg/hab/an [2] , soit 120 000 tonnes/an en France. Ces pertes peuvent être valorisées via des dons alimentaires, aux associations caritatives notamment, un exemple serait le Miam Collectif. Le volume pouvant faire l’objet d’une valorisation dans le commerce alimentaire via des dons est important. Il est estimé à 42% du gisement des biodéchets de ces commerces. [3]
Au Miam Collectif, environ 70% des invendus alimentaires récupérés par l’association finissent dans l’assiette des clients de la cantine, ce qui représente 35 kg de fruits et légumes sauvés et valorisés chaque semaine. Les 15 kg de biodéchets par semaine ne sont pas encore valorisés, la ville n’ayant malheureusement pas mis en place de système de compostage. Camille et Wilfried en ont fait la demande, mais n’ont pas suffisamment de temps et de moyens pour faire pression.
Le Miam Collectif permet d’éviter le gaspillage alimentaire mais permet également de mettre en valeur les structures engagées dans le gaspillage alimentaire partenaires (notamment le Biocoop). Pour ces structures c’est donc un gain réputationnel pouvant se transformer en bénéfice économique.
De manière plus directe, les dons alimentaires aux structures associatives permettent une réduction d’impôts à hauteur de 60% des dons, dans la limite de 5/1000 de leur chiffre d’affaires.
C’est une affaire gagnante pour les deux parties, l’association qui récupère les invendus pouvant développer une activité à l’équilibre tout en apportant une aide précieuse aux plus démunis.
30% des personnes accueillies au Miam Collectif sont dans le besoin. Ce chiffre pourrait être plus important mais des barrières sociales persistent.
En France, on estime que plus de 2 600 000 personnes bénéficient de l’aide alimentaire distribuée par les associations. [4]
Le Miam Collectif va encore au-delà de la valorisation d’invendus alimentaires, en offrant des repas cuisinés de qualité.
La cantine est un lieu accueillant et chaleureux qui aide également certains bénévoles en difficulté transitoire dans leur socialisation.
Grâce à l’arrivée de la troisième cuisinière Lia, les salariés travaillent entre 24h et 27h par semaine, chacun étant présent 3 midis par semaine. C’est un rythme qui leur procure un équilibre vie professionnelle/vie privée idéal, une aubaine dans la restauration.
Dès lors que l’on parle d’une structure associative, la question de la gestion du budget est fondamentale, reposant souvent majoritairement sur de la récolte de fonds. Les différentes solutions trouvées par le Miam Collectif sont explicitées ci-dessous :
– Un lancement subventionné à hauteur de plus de 17 000€ par la région suite à un appel à projet.
– Camille et Wilfried ont bénéficié d’un contrat de travail aidé (40% de 20h de leur salaire est pris en charge)
– Le loyer du local Atmosphère est partagé avec les gestionnaires du bar
– Au-delà des raisons écologiques, le recours à des invendus alimentaires ont permis à la cantine de fournir des produits de qualité à moindre coûts.
Une structure souhaitant se lancer dans la restauration solidaire nécessite ainsi de trouver des leviers diversifiés pour assurer une stabilité financière.
L’organisation associative est également associée à des problématiques de gestion spécifique auxquelles les porteurs de projet n’ont pas toujours été formés (comptabilité, management des bénévoles, communication …). Il est nécessaire d’y consacrer du temps, hors des horaires de travail des salariés.
C’est donc une organisation qui nécessite un engagement important des porteurs de projet, de manière presque entrepreneuriale et davantage qu’un simple emploi rémunérateur. Les bénévoles sont également précieux pour mener à bien l’activité et une bonne gestion de ces derniers est fondamentale.
Le but de la cantine est de réinvestir tous ses bénéfices, leur prochain investissement se portera ainsi sur un four plus adapté à leur cuisine.
Sur le long terme, la cantine solidaire pourrait se transformer en entreprise d’insertion.
Dans une ville tombée aux mains de l’extrême droite en 2020, c’est un projet courageux qui va à contre courant et qui se bat pour redynamiser le centre ville délaissé.
Le Miam Collectif est une démarche à l’origine sociale, qui a appelé une économie de récupération bénéfique pour l’environnement. Afin de proposer des menus sains et accessibles à tous, ils se sont tournés vers une cuisine végétarienne à partir de récupération d’invendus.
Ce projet montre que des synergies entre les aspects sociaux et environnementaux sont bénéfiques, et cela en lien avec une stabilité économique.
Le Miam Collectif est un exemple parfait d’un projet alimentaire durable à dominante sociale, nous espérons qu’il pourra en inspirer plus d’un pour mener à bien un projet de restauration solidaire.
Sources
[1] Analyse détaillée des expérimentations en cours dans la distribution pour la collecte et le traitement des déchets organiques – Etude CONVIS – PERIFEM 2011
[2] Enquête sur les quantités de nourriture gaspillées dans l’Europe des 27, Bio IS pour la Commission Européenne, 2010
[3] Etude PERIFEM/CONVIS : analyse détaillée des expérimentations en cours dans la distribution pour la collecte et le traitement des déchets organiques
[4] ADEME, Guide « Prévenir, trier et valoriser les biodéchets des gros producteurs », 2013
Copyright CirculAgronomie 2020