Ferme Abattoir BIGH

  BELGIQUE


Web: https://bigh.farm/fr/home-fr/

Contact: contact@bigh.tech

Localisation: Anderlecht, Bruxelles

Secteur : Agriculture

Date de création: projet lancé en 2016, ferme opérationnelle fin 2018

Date de rencontre: Février 2020

Maturité du projet : amorçage

Une ferme urbaine aquaponique durable en plein cœur de Bruxelles.

Aperçu

La région de Bruxelles a mis en place un plan d’action afin de redynamiser Anderlecht, une commune en périphérie de Bruxelles. Un vaste projet de développement du site historique des Abattoirs de Bruxelles a vu le jour en 2009. L’objectif de ce projet est de créer un pôle de production local et urbain tout en créant un lieu de vie et de partage. Bruxelles souhaite qu’à l’horizon 2030, la ville elle-même soit capable de fournir 30% de l’alimentation de ces habitants.


Après des études menées, le FoodMet (une halle alimentaire) a émergé en 2015. La Ferme Abattoir de BIGH (Building Integrated GreenHouse) fait elle aussi partie de ce grand projet : elle est la première ferme urbaine mise en place sur le site. Achevée en 2018, la Ferme Abattoir de BIGH est située sur les toits de la halle alimentaire fraîchement conçue. Cette ferme urbaine a été fondée par Steven Becker, architecte certifié en économie circulaire et adepte du “cradle to cradle” (“du berceau au berceau”), qui remporte l’appel à projet pour occuper les toits du FoodMet.


Les travaux pour la mise en place des infrastructures de la Ferme ont été effectués de 2016 à 2018 et la production a par conséquent commencé fin 2018. Ainsi, 2019 constitue la première année complète de production. 

  • Surface totale : 4 000 m² ;
  • Coût d’investissement : 4.7 M€ dont 2.7 M€ pour la construction des infrastructures ;
  • Objectif de production : 15 T de tomates/an, 35 T de poissons/an, 2400 pots d’aromates/semaine ;
  • Chiffre d’Affaire : 650 000 € ;
  • Périmètre d’influence : 100 km.
  • Approvisionnement durable

La ferme possède 850 m² de panneaux solaires, qui permet de compenser une partie de la consommation d’électricité. La ferme dispose également de sa propre pompe à chaleur, qui emmagasine la chaleur provenant du système de réfrigération du Foodmet (halle alimentaire située en dessous de la ferme) tout en réfrigérant les chambres froides des bouchers et des détaillants du Foodmet. Elle est complétée par un dispositif de chauffage au gaz si besoin dont le CO2 est récupéré et destiné à faciliter la photosynthèse des plantes durant la journée .


  • Consommation responsable

Grâce à sa production en ville, la ferme promeut le développement du circuit court, avec une distribution locale et vend sa production directement aux consommateurs via le magasin sur place ou des épiceries et petits magasins de Bruxelles. Les herbes aromatiques sont certifiées bio. (N.B: Comme l’alimentation biologique pour poisson n’existe pas, les poissons et les tomates, qui sont produits ensemble dans un système fermé, ne peuvent pas être labellisés bio. Cependant, aucun engrais, fertilisant ou pesticide n’est utilisé dans la production des tomates).

Le système aquaponique mis en place consomme 10 fois moins d’eau qu’une production de poissons classique.  Ainsi la ferme s’engage à avoir une consommation responsable des ressources naturelles.


  • Eco-conception

La construction des installations de la ferme est basée sur le modèle “cradle-to-cradle”, une méthode d’écoconception permettant de construire des bâtiments démontables et recyclables, pour pouvoir les réutiliser et les re-transformer une fois qu’ils cessent d’être utilisés : “du berceau au berceau” littéralement. Par exemple, le sol est fait à partir de palettes de coffrage de béton recyclées et les bureaux à partir d’anciens conteneurs de bateau, les vitres des serres sont faites en polyéthylène afin d’être fondues et moulées à nouveau en cas de casse.

fonctionnement du projet

Pour écouter les membres de BIGH présenter le projet, tu peux regarder la vidéo tout en bas de l’article !

Lors de la conception du projet, la construction des installations a été pensée selon le modèle de  » cradle to cradle ». C’est-à-dire que tous les bâtiments sont démontables et la majorité des matériaux sont recyclés/recyclables/remodulables (palettes de coffrage de bétons recyclés pour le sol, vitre des serres en polyéthylène remodulables, bureaux faits à partir d’anciens conteneurs de bateaux…) afin de maîtriser tout le cycle de vie des matériaux, “du berceau au berceau”. 

1. Production alimentaire locale, durable et sociale

L’aquaponie est un système qui unit l’élevage de poissons à la culture de plantes dans un circuit fermé. On utilise des cycles bactériens naturels (biofiltre) pour transformer les déchets des poissons (ammoniac) en nutriments assimilables par les plantes (nitrates). Les plantes filtrent cette eau, “sale” pour les poissons mais enrichie en nutriments pour les plantes, qui revient ainsi purifiée aux bassins à poissons. C’est une boucle d’économie circulaire ! De plus, ce système vertueux à l’avantage de n’utiliser aucun fertilisant chimique ni pesticide!

 

  • Du côté des poissons…

La ferme BIGH élève des bars rayés. C’est une espèce hybride entre un bar blanc d’eau douce (Canada) et un bar rayé sauvage d’eau de mer (Golfe du Mexique). Cette espèce a la particularité de vivre en bancs à forte densité dans les eaux douces et résistant à des températures d’eau chaudes, ce qui en fait une espèce idéale pour ce type d’élevage et leurs filets sont très appréciés par les consommateurs. Le système aquacole fonctionne en RAS (Recirculating Aquaculture System) avec une eau qui provient directement de la nappe phréatique située sous le FoodMet. Un renouvellement de cet eau est effectué quotidiennement à hauteur de 15% avec cette eau de forage.

Les poissons excrètent de deux manières différentes : une partie solide est évacuée sous forme de fèces, et une partie liquide (ammoniac) évacuée sous forme d’urine. Cette eau chargée en ammoniac va passer par un biofiltre dans lequel les bactéries responsables de la nitrification (Nitrosomonas et Nitrobacter) sont naturellement présentes. On augmente seulement l’activité de ces bactéries en oxygénant fortement le milieu et y mettant de petites structures poreuses qui leur offrent une grande surface pour se multiplier.

L’eau riche en nitrates est envoyée vers les plants de tomates, qui l’utilisent comme élément nutritif.

 

 

  • Du côté des tomates…

La ferme possède une serre de 750 m² pour cultiver les tomates avec une densité de 2,5 plants/m2. Les variétés utilisées (Saopolo et Sweden) sont adaptées au système aquaponique, notamment grâce à une greffe du plant ce qui permet un développement restreint du système racinaire et une bonne captation de la solution nutritive. Les plants sont cultivés hors sol dans des substrats composés de fibre de coco, tourbe et perlites, l’eau y est apportée au compte goutte. 

Ce système présente de nombreux avantages et permet surtout d’économiser en eau (jusqu’à 90% d’eau économisée par rapport à l’aquaculture et l’hydroponie, pris séparément* ) et le système des poissons en RAS consomme 10 fois moins d’eau qu’un système aquacole classique.

 

 

*https://aquaponie.net/aquaponie-definition/

 

Les aromates sont certifiés bio, or comme les poissons ne sont pas nourris avec de l’aliment bio (cela n’existe pas encore sur le marché), l’eau utilisée pour l’irrigation de ces herbes ne peut pas être celle des poissons. On utilise alors l’eau de pluie récoltée sur la toiture. La Ferme a la possibilité de valoriser la terre des pots non commercialisable en la donnant à une exploitation agricole près de Bruxelles, et évite ainsi de créer des déchets supplémentaires tout en rendant service à un maraîcher.

 

La production d’herbes aromatiques apporte une valeur ajoutée importante car ce ne sont pas des produits que l’on peut congeler ou transporter trop longtemps, le circuit court est donc inévitable pour ce genre de productions. 

La Ferme Abattoir vend ses produits dans son propre magasin, située juste en dessous de la ferme dans la halle alimentaire. Elles vend également ses produits frais et transformés auprès de restaurants, petits magasins, épicerie fine et grande surface dans Bruxelles et en périphérie.

 

La Ferme propose également des animations et événements (conférences, activités de team building, visites groupées, dégustation, repas…) afin de promouvoir le projet auprès d’un large public, allant des professionnels aux simples curieux, en passant par les représentants politiques et les écoles.

 

D’autre part, les 2000 m² de terrain en extérieur sont loués à une association de réinsertion sociale. Celle-ci cultive divers légumes (ex: salades, brocolis, piments, aubergines…) pour son restaurant qui se trouve dans une rue annexe. Pour s’adapter à la contrainte de portance de la toiture, le terreau a été remplacé par de la roche volcanique : plus légère, poreuse et calorifique, elle emmagasine la chaleur de la journée et la restitue aux plantes en fin de journée et au cours de la nuit. Les petits fruitiers (framboises, cassis, myrtille, mûre) que l’on trouve à l’extérieur sont eux exploités par les membres de la Ferme. Le surplus d’eau des poissons riche en nitrates vient irriguer ces cultures extérieures. A l’avenir, la Ferme compte bien récupérer et poursuivre la production des légumes extérieurs.

2. Consommation d'énergie

En plus des économies en eau faites grâce au système aquaponique, la ferme a optimisé sa consommation d’énergie par différents moyens.

 

D’un côté, elle produit de l’énergie verte grâce à des panneaux solaires installés près de la serre (850 m²). L’énergie est vendue à un distributeur qui leur revend de l’énergie verte, ce qui permet de réduire les coûts en énergie et leur empreinte carbone.

 

D’autre part, le projet a été sélectionné grâce au fait que 60% de l’énergie nécessaire pour chauffer les serres est récupérée par la production de chaleur des frigos et chambres froides de la halle alimentaire en dessous. Cette énergie qui était auparavant perdue est ainsi valorisée et permet d’importantes économies d’énergies. 

approche de développement durable

Les bénéfices environnementaux de cette ferme urbaine aquaponique sont multiples. D’une part des économies de matière sont réalisées, notamment d’eau ainsi que plusieurs autres intrants. D’autre part, les déchets verts sont valorisables sous plusieurs formes (produits transformés, compost), ce qui réduit la quantité de déchets générée et valorise les productions en leur offrant différents débouchés. Enfin, la Ferme a optimisé le plus possible sa consommation énergétique en installant des panneaux solaires et en récupérant une partie de la chaleur créée par les frigos de la halle alimentaire : elle est véritablement “intégrée” au bâtiment (d’où Building INTEGRATED GreenHouse). 

La ferme travaille avec de nombreuses associations et entreprises qui emploient des personnes en réinsertion ou en situation de handicap. Elle contribue directement à développer l’économie sociale et solidaire de Bruxelles. D’autre part, elle joue un rôle important pour contribuer au développement des connaissances en aquaponie et en ferme urbaine en ouvrant son espace à tous les publics.

Les économies d’énergie et en eau permettent de limiter et d’assouplir le coût des intrants énergétiques. Cependant, l’investissement initial très important oblige la Ferme à vendre ses produits à un prix très élevé au kilo, ce qui n’est pas très concurrentiel dans le quartier dans lequel elle est située.

Reproductibilité & perspectives d'évolution

Selon la Ferme Abattoir, il est difficile de savoir si ce projet de ferme urbaine aquaponique est reproductible car chaque système est unique et doit s’adapter au contexte dans lequel il est implanté. Il n’y a pas de modèle véritablement défini pour ce genre de structure, cependant l’aquaponie est un concept qui peut être largement réemployé notamment dans les zones arides où l’eau est rare.

 

Toutefois, la ferme est un projet pilote, qui sert d’expérimentation pour ce genre de structure aquaponique à grande échelle. Elle permet de constater ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien. On peut considérer qu’elle est comme un outil d’aide à la conception pour d’autres projets similaires. 

Dans le cas du système de la ferme BIGH, les barrières sont techniques et surtout économiques.

 

En effet, le coût d’investissement très élevé, notamment pour l’aménagement de la toiture, oblige la ferme à vendre ses produits à des prix très élevés pour espérer être rentable. Le marché ayant été surestimé lors de la conception du projet, la ferme a des difficultés à écouler ses produits. Il est notamment difficile pour la ferme de fidéliser ses clients puisqu’elle se situe dans un quartier où les produits sont vendus à des prix très “bon marché” et ne peut pas faire face à cette concurrence. Enfin, la ferme étant limitée en terme d’espace il est difficile de diversifier ou d’augmenter ses productions.

 

Pour faire face à toutes ses difficultés, la ferme met en place différent leviers. Elle compte diversifier ses activités pour ne pas uniquement faire de la production, notamment avec de la transformation sur place (tapenades aux herbes, rillettes de poissons). Elle souhaiterait développer davantage l’accueil au public et les animations qu’elle propose sur place. D’autre part, afin de vendre plus de produits, le magasin doit être développé en proposant par exemple du e-commerce et la livraison à domicile. La Ferme est également toujours à la recherche de nouveaux partenaires pour vendre ses produits et de moyens pour fidéliser ses clients.

 

Enfin, un atout de la Ferme qui nous semble facilement reproductible est la valeur ajoutée qu’elle apporte dans la production d’aromates. En effet, garantir des produits frais, non-abîmés par la réfrigération et locaux est un modèle facilement transposable dans d’autres systèmes avec des contraintes différentes, puisqu’ils pourront proposer un produit de qualité supérieur à leurs clients. 

La ferme a pour ambition de diversifier ses activités afin de ne pas se limiter à seulement l’activité de production transformation de produits dérivés (tapenades, rillettes), fumage et marinade de poissons. Pour assurer un apport de revenu, elle souhaiterait développer davantage le magasin en proposant des produits locaux (belges) et de la vente en ligne ainsi que plus d’animations sur place (visites groupées, teambuilding d’entreprise…).

 

La Ferme désire également faire un partenariat pour mieux valoriser déchets avec une association populaire qui pourrait récupérer ces déchets et les transformer pour les distribuer aux personnes vivant dans le quartier. (ex : utiliser les tomates craquées pour faire de la soupe à la tomate pour une cantine de quartier)

Vidéo Ferme Abattoir BIGH –  (Sous-Titres Anglais/Français dans les paramètres !!)

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