Conscient

Web : https://conscient.be/

Contact : infos@beconscient.com

Localisation : Bruxelles, Belgique

Date de rencontre : 5 avril 2023

Maturité du projet : Mature

Belgique

La prise de conscience familiale

Conscient, c’est l’histoire d’une prise de conscience familiale, celle d’Anas et Sirine, frère et sœur jumeaux. Tout a commencé par des problèmes respiratoires qui ont provoqué une hospitalisation en urgence pour Sirine. La cause ? Un allergène, le methylisothiazolinone, conservateur utilisé fréquemment dans la grande majorité des peintures murales, même celles portant le label “écologique”. 

Quelque temps après cet incident, Anas et Sirine sont de nouveau à la recherche de peintures pour leur appartement mais regardent à présent de très près la composition de ces dernières. Le constat ? Pour des alternatives plus saines, les prix étaient soit très élevés ou la mise en place beaucoup moins évidente (comme la chaux ou l’argile).

Suite à cette prise de conscience est née l’idée de créer une peinture saine et accessible à toustes : Conscient s’apprête à naître.

“Conscient, ce n’est pas une entreprise de peinture, c’est une entreprise qui propose des solutions à des problèmes.”

Formuler des peintures saines

En effet, Anas et Sirine n’ont alors pas la prétention de créer une peinture, ces dernier.ère.s provenant de milieux plutôt éloignés du monde de la peinture : respectivement l’IT management et la communication digitale. Iels décident donc de contacter des formulateur.ice.s en leur donnant leurs critères : une peinture sans dioxyde de titane et sans conservateurs allergènes, donc une peinture en poudre.

La réponse des formulateur.ice.s a été très rapide : impossible de remplacer le dioxyde de titane et qui voudrait d’une peinture en poudre ? Présent dans 99,9% des peintures, le dioxyde de titane, récemment interdit dans le secteur alimentaire suite à une législation européenne, est une molécule de fort intérêt dans le secteur de la peinture du fait de sa couleur blanche et de son pouvoir opacifiant. Cependant, plusieurs études mettent en cause cette molécule comme cancérogène probable ou avéré, notamment celles de l’Inrae et de l’Anses.

Suite à cette impasse, iels décident de le faire seul.e.s et se lancent dans l’aventure Conscient.

« On pouvait pas se dire qu’on allait mettre un produit qui a un risque de causer un cancer chez les gens »

En autodidactes, parfois aidé.e.s par quelques jeunes conscient.e.s au sein de grandes entreprises, Anas et Sirine ont commencé à élaborer les premières versions dans leur salle de bain, puis dans la cave de leurs parents à l’aide une bétonneuse, jusqu’à arriver à leur sixième version. Aujourd’hui, CityDev Brussels, affilié à la Région de Bruxelles qui mène une politique très ambitieuse en termes d’économie circulaire, leur prête un local à loyer très réduit, permettant d’augmenter leur production et de se développer sans subir la pression économique des loyers bruxellois.

Le produit fini se présente tel quel : on mélange la poudre emballée dans un sachet réutilisable en coton avec de l’eau avec un rapport un pour un, on attend quinze minutes et la peinture est prête à l’emploi et l’on peut occuper la pièce directement après application.

Le résultat : 80% d’énergie en moins en production du fait de la forme de poudre, une diminution de 60% de la facture carbone dû à la non utilisation de dioxyde de titane, une réduction de la facture carbone au transport, le produit étant beaucoup plus léger qu’une peinture classique, une meilleure conservation dans le temps et surtout, un produit deux fois moins cher qu’une peinture classique.

Pour commercialiser le produit, iels ont créé leur site Internet où se faisait la totalité des ventes, notamment pour garder la main sur le rythme de production. De plus en plus de personnes se sont intéressées à leur produit et ont commencé à les demander dans les grands magasins. Maintenant, Conscient est commercialisé en Belgique, aux Pays-Bas et en France, la majorité des ventes se faisant via leur plateforme internet, mais également dans des enseignes comme Natura Mater ou encore Leroy Merlin.

Une peinture circulaire et écologique ?

« Ça n’a pas commencé avec l’idée de faire un produit circulaire totalement écologique. Non, ça a commencé avec l’idée de faire un produit sain. Puis de faire un produit accessible. Puis enfin de faire un produit sain, accessible, écologique et circulaire. »

La circularité n’a pas été une question abordée dès la première idée du produit. Pour faire une peinture conforme aux attentes des consommateur.ice.s, il faut un liant qui permette une bonne cohésion et durée dans le temps des pigments sur le support à peindre. L’amidon a alors tracé son chemin dans l’esprit d’Anas et Sirine, produit naturel dont l’extraction est très simple.

C’est pourquoi iels ont collaboré avec une entreprise existante sur la région et qui récupérait déjà l’amidon dans les usines, via l’extraction de ce dernier des eaux de lavage des pommes de terre.

« C’est stupide de mettre de l’amidon qu’on peut manger alors qu’il y a peut-être d’autres solutions, d’autres moyens comme l’amidon de pommes de terres inaptes à la consommation, puis on s’est dit qu’il y avait moyen de collaborer avec des usines à pommes de terre et de récupérer l’amidon chez eux. »

Etre accessible

“Nous on a pas été chez les écologistes, on a été chez des gens qui voulaient juste une peinture.”

Anas nous l’a longuement répété, le projet initial était de proposer une vraie alternative pouvant être utilisée par tout le monde. Le public cible initial au vu des effets secondaires déclarés était les femmes enceintes puis cela s’est très rapidement élargi à des personnes qui disaient que les prix étaient intéressants, les couleurs belles et qu’iels avaient des enfants. La question écologique n’est qu’un bénéfice annexe. Selon Anas, peu de leurs clients ont développé une conscience écologique mais c’est par l’accessibilité que Conscient les aide à développer cette dernière.

Selon lui, beaucoup de personnes qui développent des solutions “écologiques” viennent d’un milieu social confortable et ne se mettent pas forcément à la place des gens lambdas. Pour lui, la logique doit être inversée pour que la transition se fasse : c’est aux entreprises, aux producteur.ice.s de prendre conscience des enjeux écologiques et de prendre les difficultés de leur côté afin que les consommateur.ice.s n’aient que très peu de barrières à faire le pas vers la transition.

“Les produits qui doivent se développer maintenant doivent être écologiques, ça doit être une donnée de fait et plus un argument de vente. C’est le reste qui importe : compare ton produit à ce qu’il y a sur le marché.”

Ainsi, Conscient est une entreprise consciente des enjeux sociaux liés à la transition écologique et se veut la plus inclusive possible : “On ne peut pas demander à quelqu’un qui a travaillé toute la journée de revenir à la maison et d’avoir une conscience écologique. Ce qu’iel veut c’est un produit accessible et pratique.”

De plus l’accessibilité se fait à l’intérieur et à l’extérieur chez Conscient : iels viennent de recruter leur premier ouvrier sous contrat d’adaptation professionnel. En effet, adapter leur entreprise et ses process de fabrication aux personnes en situation de handicap dès le début permettra “que tout le monde puisse travailler chez nous quand on grandira.”

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