Madaster

Web :

https://madaster.com/

Contact : 

info@madaster.com

Localisation : Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Belgique, Norvège, Autriche

Date de rencontre : 20 avril 2023

Maturité du projet : Mature

Eliminer les déchets du secteur de la construction

Créée il y a six ans, Madaster est une scalpe-up d’envergure internationale qui fait bouger le secteur de la construction vers une économie circulaire. Leur objectif est d’éliminer les déchets de ce secteur grâce à la digitalisation et avec l’essor d’un nouveau concept : le passeport matériel. 

Née aux Pays-Bas, actuellement présente dans cinq pays supplémentaires – Suisse, Allemagne, Belgique, Norvège et Autriche – et toujours en croissance, Madaster est à l’avant-garde de la transition vers l’économie circulaire dans l’un des secteurs les plus émetteurs de déchets. 

Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Martijn Oostenrijk, l’un des cofondateurs de Madaster, maintenant directeur général de l’entreprise.

Le secteur de la construction : intensif en ressources, déchets et CO2 émis

Le secteur de la construction génère plus de 247 millions de tonnes de déchets chaque année en France, rendant ce secteur responsable de plus de 70% de tous les déchets générés [1]. Aux Pays-Bas, Martijn nous explique que ce n’est pas vraiment différent : dans un système linéaire avec une vision « extraire-produire-jeter », 40% des matériaux finissent en matériaux sans valeur et perdus pour de futurs usages. De plus, les émissions de CO2 liées au secteur de la construction ont atteint les 10 Gt en 2021, pour un total mondial de 37 Gt : c’est presque ⅓ des émissions mondiales [2].

Ces chiffres démontrent clairement que le secteur de la construction est une grosse part des problèmes liés au réchauffement climatique et aux déchets. Cependant, ces nouvelles ne datent pas d’hier alors pourquoi est-ce toujours le cas aujourd’hui? 

Architecture Thomas Rau

Selon Martijn cela est en partie dû au fait que le secteur de la construction est très conservateur et en retard dans sa transformation digitale. S’ajoute également le fait que les finances gouvernent toujours notre monde et qu’il est ainsi difficile de comprendre que les matériaux sont précieux par essence. 

Face à ces challenges, Thomas Rau, un architecte pionnier et auteur du livre “Material Matters”, a approché Martijn Oostenrijk et Pablo van den Bosch qui travaillaient à l’époque dans le secteur de la finance afin qu’ils l’aide à expliquer en quoi la circularité amène des bénéfices financiers et de la valeur : Madaster est né.

Source de l’image : RAU, Banque Triodos

“Ok ça change quelque chose, c’est important, c’est urgent et on peut vraiment avoir un impact”

C'est quoi Madaster ?

Madaster est une plateforme en ligne qui fonctionne comme un cadastre : on peut enregistrer tous les matériaux et produits dans son environnement matériel, que ce soit des infrastructures ou des bâtiments.  Une fois que ces matériaux sont enregistrés, ils ont une identité. Le but final est que cette plateforme puisse être utilisée pour n’importe quel objet dans le monde. 

“Donner une identité aux matériaux permet de prendre des décisions conscientes sur leur futur usage au lieu de les dégrader en déchets”

L'importance de la digitalisation

Le secteur de la construction a des standards avec lesquels tous les architectes, les entreprises de construction et les ingénieur.e.s travaillent. Parmi ces standards il y a le BIM (Building Information Management), qui est la retranscription digitale d’un bâtiment. Il contient tous les différents matériaux et produits assemblés dans le bâtiment.

À cela s’ajoute l’EPD (Environmental Product Declaration) : définie par l’ISO, cela permet à chaque entreprise produisant des produits de quantifier les informations environnementales sur le cycle de vie de ses produits afin de permettre des comparaisons entre des produits remplissant les mêmes fonctions. Chaque année, les mesures législatives augmentent pour inciter à faire de telles déclarations.

Ainsi, en combinant le BIM d’un bâtiment, où “tout ce qu’on peut imaginer pour un bâtiment y est inscrit” avec les EPD des produits et matériaux au sein du bâtiment puis en enrichissant tout ça avec des données environnementales et financières de sources fiables, Madaster créé de nombreux indicateurs environnementaux et financiers précieux pour leurs clients, comme l’indice de circularité, l’amovibilité, l’empreinte carbone et la valeur financière résiduelle.

L'index de circularité

Basé sur la méthodologie d’Ellen Mc Arthur, l’indice de circularité est construit sur la base de trois étapes : étape de construction, étape d’usage et étape de fin de vie

Si des matériaux existants ont été utilisés au lieu de matériaux vierges, c’est un plus pour l’étape de construction ; si la manière de construire et les matériaux mènent à une espérance de vie du bâtiment plus longue que la moyenne, c’est un plus ; et si le bâtiment a été construit de telle sorte à ce que les matériaux et produits puissent être détachés et réutilisés, c’est aussi un plus. La combinaison de ces trois étapes mène à un indice entre 0 et 100 eu le score est pénalisé s’il manque des informations.

La valeur résiduelle financière

C’est la valeur d’un bâtiment à la fin de sa vie : quels matériaux peuvent être réutilisés, quel est le coût pour les réutiliser ? 

Les prix actuels et historiques de chaque matériau dans le bâtiment ont été pris afin de tracer une ligne vers le futur pour avoir une idée de leur prix. Ensuite, en déduisant le prix du détachement des matériaux, de leur transport et de leur traitement pour être réutilisé, on a la vraie valeur financière résiduelle du bâtiment. Si les matériaux ont été assemblés d’une manière où il est simple de les enlever, cela va réduire le coût de leur traitement et augmenter la valeur financière résiduelle du bâtiment.

“Quand on calcule la valeur financière résiduelle des matériaux dans un bâtiment, on veut qu’elle soit vraiment haute pour inciter les utilisateurs.ice.s à aller chercher cette pour en métal et la vendre pour qu’elle soit réutilisée.”

Qui utilise Madaster ?

En tant que plateforme en libre service, tout le monde peut utiliser Madaster en s’abonnant annuellement : 900€/an pour une entreprise et 20€/an pour un particulier.

Toute la chaîne de valeur de la construction est invitée à utiliser Madaster : des investisseur.euse.s (instance publique, propriétaire de maisons…), à l’équipe de construction et finalement aux accélérateurs comme les banques, les assurances, etc. Ces derniers y trouveront leur intérêt grâce à la transparence apportée par Madaster : la transparence totale sur ses matériaux mène à des moindres risques et à la connaissance de la valeur réelle de son bâtiment.

Au travers des 6 pays où agit Madaster, plus de 1 000 entités différentes utilisent la plateforme, soit un total de 4 000 utilisateur.ice.s actif.ve.s. De plus, plus de 5 000 objets ont été enregistrés et récemment, les 30 millions de m2 enregistrés ont été franchis.

Pourquoi utiliser Madaster ?

Pour Martijn, il y a trois raisons principales expliquant pourquoi on devrait utiliser Madaster. 

La première est la raison environnementale : utiliser les bons matériaux (durables, réutilisés…) assemblés de la bonne manière (prévus pour l’amovibilité) mène logiquement à moins d’impacts environnementaux.

“Madaster permet aux utilisateur.ice.s de faire les bons choix au bon moment, avant que ça soit construit.”

Si les aspects environnementaux et circulaires font partie de la discussion dès le début, cela aura des bénéfices importants sur la santé des locataires ou employés du bâtiment par exemple, ou encore une meilleure sécurité et moins de risques. 

La deuxième raison est la conformité. Au vu des mesures législatives européennes qui se renforcent, être conforme avec ces dernières permet de continuer comme tel. Ne pas être conforme induit forcément le coût de réparer ses action, il est donc plus simple de faire ce qu’il faut dès le début. 

Enfin, la dernière raison mais l’une des plus importantes pour les investisseur.euse.s : la raison financière. Avoir un bâtiment durable et éco-conçu qui est conforme aux législations vient avec un taux d’occupation plus important, une valeur plus importante du bâtiment : l’investissement est 100% rentable

En effet, avec Madaster, le.la client.e peut voir ce que vaut leur bâtiment dès le début et essayer de l’améliorer, environnementalement ou financièrement parlant. Si iels veulent un meilleur score sur la circularité ou l’empreinte carbone par exemple, la plateforme fournit des suggestions pour atteindre ça : des matériaux durables, un meilleur design, un meilleur assemblage pour la réutilisation en fin de vie…

En quoi donner une identité aux matériaux change les choses ?

“On considère les déchets comme des matériaux sans identité. Madaster leur fournit une identité. L’objectif principal derrière tout ça est de connecter ces matériaux pour des futurs scénarios de réutilisation. Le challenge est de capturer tous ces matériaux à une grande échelle et de rendre cette information transparente à celleux qui initient de nouveaux développements, afin qu’iels puissent collecter des matériaux qui ont maintenant une identité. Ainsi, on connecte l’ancien monde au nouveau monde.”

Les bâtiments existants sont appelés des mines de matériaux car ils n’ont pas été conçus pour être déconstruits donc il faut rechercher, extraire et transformer ce que l’on veut dedans. Les nouveaux bâtiments peuvent être construits comme des dépôts de matériaux, sachant exactement où les matériaux sont, sous quelle forme et comment ils sont assemblés, pour mieux les réutiliser. 

Madaster a des cas d’étude assez impressionnants avec 90% de matériaux réutilisés lors d’une rénovation grâce au passeport matériel.

“ Il y a beaucoup de diamants précieux dans la mine et on veut les sauver et leur donner un futur sûr.”

Quel est le futur du secteur de la construction ?

L’un des principaux challenges auquel fait face Madaster est le fait que le secteur de la construction soit si conservateur et investit très peu de son budget dans la digitalisation. 

C’est pourquoi, selon Martijn, les gouvernements ont un rôle crucial à jouer car changer un marché si compétitif depuis l’intérieur est impossible. Pour lui, des étapes ont été franchies, surtout au niveau européen, mais il y a encore beaucoup plus à faire pour alimenter cette transition à une échelle locale.

“Je crois profondément que les gouvernements diront à la fin « Il faut créer un passeport matériel » grâce à tous les bénéfices sociétaires autour de ça.”

Cependant, aux Pays-Bas, il est maintenant obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour tous les corps gouvernementaux d’inclure des aspects circulaires et environnementaux dans leurs appels d’offres. Ainsi, dans chaque demande faite au marché, ces aspects font part de l’information qu’iels doivent appréhender avant d’accepter un nouveau fournisseur. De plus, en Allemagne, un passeport matériel est maintenant obligatoire [3].

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