FRANCE
Web: https://yuyo.surf/
Contact: romain@yuyo.surf
Localisation: Montpellier, France
Secteur: Fin de Vie, Manufacture et Transformation
Date de création: Octobre 2018
Date de rencontre: Juillet 2020
Maturité du projet: réçent
Des planches de surf écologiques imprimées en 3D à partir de plastique recyclé.
Surfeur passionné depuis son plus jeune âge, Romain Paul s’est vu faire face au “paradoxe du surfer”: il réside une contradiction majeure qui oppose les convictions environnementales des pratiquants de ce sport à la toxicité du matériel qu’ils utilisent. Après avoir travaillé plusieurs années chez Exaprint, et donc avoir assisté à l’essor commercial de l’impression 3D, mûrit l’idée en lui de concevoir des planches de surf d’une manière éco-responsable grâce à cette machine, afin de proposer une alternative plus écologique.
Pendant 2 ans, Romain et ses trois associés font des recherches afin de mettre au point ce produit et se lancent en 2018 dans l’aventure Yuyo. Ils effectuent leur lancement commercial l’été 2019 suite à une campagne de crowdfunding qui permet de financer les premières séries de fabrication. Cette même campagne leur a par ailleurs permis d’être bien médiatisés. Les 4 associés ont des rôles complémentaires au sein de l’équipe, avec Romain notamment en gestion de production, ou Thibault, chargé de gérer la marketplace. Ces derniers vendent effectivement des produits liés au surf comme de la wax naturelle, des pads antidérapants en liège ou de la crème solaire en parallèle de leurs planches. C’est une activité de négoce et de revente de produits éco-responsables, cohérents avec leurs propres valeurs. Connaissant bien les fournisseurs, et familiers avec leurs démarches qu’ils savent respectueuses de l’environnement, ils sont assurés de l’éco-responsabilité de la totalité de leurs activités au sein de Yuyo.
Pour ce qui est de l’activité principale de fabrication de planches de surf, afin de concevoir un produit à partir de matière plastique recyclée, l’équipe se met à chercher une source de production de déchets plastiques. Ils se rendent rapidement compte de la quantité astronomique de déchets engendrés dans le milieu médical, due à l’utilisation unique de leur matériel, pour des raisons sanitaires. En lançant leur production, face à ce constat effrayant, Yuyo décident donc de récupérer cette matière pour lui donner une seconde vie qui ait du sens.
Dans la mesure où Yuyo a réfléchi l’ensemble des méthodes de production de leurs planches de surf afin de diminuer les impacts environnementaux de ces dernières sur l’ensemble de leur cycle de vie, leur projet s’inscrit entièrement dans une démarche d’éco-conception.
En effet, les planches de surf sont non seulement faites à partir de matières premières recyclées, mais leur production, grâce à l’imprimante 3D, ne produit aucun déchet, contrairement à la méthode classique dite de “shape”, où l’on découpe la forme de la planche dans un pain de mousse, puis la ponce. La fabrication avec l’imprimante 3D permet de fabriquer sur place, utiliser les matériaux qu’on veut et évite les pertes de matières (pas de chute ni de matière jetée : on utilise seulement ce dont on a besoin pour fabriquer le produit désiré).
En outre, Yuyo a volonté d’être plus cohérent avec les valeurs sociales et environnementales de la communauté des surfeurs. Il faut préserver la nature et être exemplaire en tant qu’usager du milieu naturel. C’est par ailleurs un changement de comportement que Romain observe de la part des consommateurs : il y a réellement une volonté de consommer de plus en plus localement, et ce, de même pour le matériel sportif. Acheter moins, mais de meilleure qualité et des produits personnalisé. “Il y a un réel changement de paradigme industriel, on revient vers du local et vers de petits acteurs locaux”.
La matière première des planches de surf produites par Yuyo étant de la matière naturelle et/ou recyclée, on peut également confirmer leur engagement en termes d’approvisionnement durable. Leur activité de négoce aussi s’inscrit dans cette démarche puisqu’ils revendent des produits éco-responsables liés au surf provenant de fournisseurs de proximité qu’ils connaissent bien. De plus, dans le long terme, Yuyo a pour projet de recycler des déchets locaux, que chaque consommateur puisse venir avec une quantité de déchets propices à être transformés en sa propre planche de surf.
Pour écouter Romain présenter le projet, tu peux regarder la vidéo tout en bas de l’article !
La fabrication traditionnelle des planches de surf est très polluante car elle utilise des matériaux souvent toxiques et non recyclables. Il y a donc une réelle contradiction entre les convictions environnementales des surfeurs et les planches qu’ils utilisent. Une planche est composée de pain de mousse polyuréthane ou polystyrène, de fibre de verre et de résines polyester. [2]
Pour citer l’analyse faite par La Green Session, “la production de déchets est la face cachée de l’iceberg. On ne s’en rend pas forcément compte mais pour fabriquer une planche de surf d’environ 2,5kg, on génère 6kg de déchets soit 2,5 fois le poids de la board. Et malheureusement pour une planche classique en mousse PU, ces déchets ne sont pas recyclés et ils finissent incinérés ou enfouis.” [3]
Si on étudie l’analyse de cycle de vie d’une planche de surf, on se rend bien compte, qu’entre les matériaux utilisés et les émissions de CO2 liés aux transports (80% du marché de fabrication de planches de surf se trouvent en Thaïlande, Chine et à Taiwan), qu’une planche de surf classique n’est pas du tout un produit durable. N’hésitez pas à jeter un coup d’oeil à l’analyse très complète faite par La Green Session à ce sujet.
Les mêmes méthodes de fabrication sont utilisées depuis les années 1960. Les états d’esprits commencent à changer depuis seulement quelques temps et les surfeurs, de plus en plus conscients de leurs impacts, souhaitent dorénavant les diminuer sur leur environnement. D’où le développement de projets comme Yuyo.
La première étape est le dessin de la planche commandée sur un logiciel à partir d’un questionnaire envoyé au client. Les variables sont multiples : le lieu de pratique, la fréquence d’utilisation, le niveau d’expérience, le poids et la taille du surfer, etc. On obtient à l’issue de ce travail un fichier 3D représentant la planche. Le logiciel pour impression 3D utilisé permet de régler les paramètres. L’impression est ensuite lancée, s’en suit l’assemblage, l’ajout des strates faites en fibre et en résine, et finalement la décoration et le glaçage.
La machine d’impression 3D a été conçue spécifiquement pour Yuyo pour leurs besoins spécifiques avec Tobeca (entreprise située dans la Loire) . La bobine de filament rentre dans un mécanisme qui va l’extruder, puis le matériau passe par un système de refroidissement pour coller les différentes couches les unes aux autres. Ce système permet d’imprimer des objets de dimension maximale 60x60x120 cm.
Ce qui différencie cette méthode de la fabrication traditionnelle, c’est aussi et avant tout les matériaux utilisés. Le pain de mousse est remplacé par une structure creuse en 3D fabriquée à partir de déchets plastiques. Par dessus est ajoutée de la fibre de basalte (de la roche fondue en provenance de Belgique, transformée en filament puis en tissu, dont la performance mécanique équivaut celle du kevlar (un polymère thermoplastique)) et de la résine végétale (faite à partir d’huile de lin en provenance des Martigues dans les bouches du rhône et Lunel dans l’Hérault). La fibre et la résine permettent la résistance mécanique et l’étanchéité de la planche.
Les déchets plastiques utilisés lors de la fabrication sont issus du milieu médical. Pour rappel, 1 hôpital produit autant de déchet qu’une ville, soit une production de 700 000 tonnes par an de déchets de toutes sortes. Le milieu médical est donc une source intarissable de déchets plastiques, d’où l’intérêt et l’urgence de trouver une solution pour les recycler. Yuyo récupère ainsi des plateaux à usage unique utilisés pour stériliser les outils de chirurgie. Ils sont fait à partir de PET (un polymer de polyester saturé, facilement recyclable). [4] Le processus de recyclage du PET est comme suit : on broie le matériau en paillettes que l’on sèche afin de le déshumidifier. On l’extrude ensuite pour former le filament. Le plastique est fondu ce qui permet de le rendre plus maléable et de lui faire prendre la forme souhaitée. Il est finalement étiré puis refroidi pour qu’il se durcisse.
Pour l’instant, ils achètent les bobines de filament faites à partir de ce déchet plastique auprès d’un fournisseur qui fabrique également les plateaux vendus auprès des hôpitaux. Ce même fournisseur récupère ainsi ses propres déchets pour les recycler. [5]
Yuyo compte cependant fabriquer eux-même leurs propres bobines de filament d’ici quelques mois après avoir fait l’acquisition de leurs propres machines (1 broyeur, 1 sécheur et 1 extrudeur) auprès de leur fournisseur 3devo pour transformer le plastique en filament. Ils ont également la volonté à long terme de créer leur propre filière locale de retraitement en travaillant directement avec les hôpitaux locaux de Montpellier. Aujourd’hui les déchets des hôpitaux sont soit enfouis, soit incinérés, soit envoyés à l’étranger, il n’existe donc pas encore de solution locale.
Il y a en outre deux enjeux pour la matière recyclée : il faut qu’elle soit de qualité pour assurer une régularité de la matière ainsi que les performances mécaniques de la planche de surf. Il faut aussi de la transparence auprès des clients : Yuyo doit et veut pouvoir dire d’où provient chaque matériau qu’ils achètent.
Les prix des planches Yuyo sont équivalents à ceux d’un artisan shaper qui fait du sur mesure : le prix des planches varient entre 700 et 800 € et peuvent monter au-delà de 1000 €.
Il est impossible de rivaliser avec les grands producteurs de planches en prenant en compte que qu’un demi conteneur de planches permet de revendre des planches à $150 la pièce.
Or, rien que la matière première pour fabriquer une planche Yuyo coûte 250 €. Prix auquel on est contraint de rajouter le coût de la main d’oeuvre et le coût d’utilisation de l’imprimante 3D. Il n’est donc pas possible de fonctionner avec des magasins qui prennent entre 40 et 50% de marge. En réponse à cette barrière, Yuyo travaillent à la commande, en faisant du sur-mesure pour chacun de leurs clients, ce qui leur permet de s’imposer en référence dans une niche.
Les consommateurs des planches yuyo aujourd’hui sont des curieux, des pionniers dans le domaine du surf éco-responsable. Les planches sont surtout vendues dans la région (le plus gros des ventes est en Aquitaines, dans les Landes et aux Pays Basque) mais vont du bassin méditerranéen (Italie et Espagne comprises) et sur la côte atlantique (du Portugal au Royaume-Uni). Bref, tous les endroits de surf en Europe. Montpellier est ainsi un emplacement clé pour accéder à tous ces marchés.
Yuyo vise ainsi à limiter au maximum leur impact sur l’environnement, en particulier les éco-systèmes marins.
Un tel projet nécessite un investissement conséquent en ses débuts pour se procurer une imprimante 3D. Il faut donc être en mesure de faire l’achat et de l’amortir. Confectionner des planches de surf demande également une expertise pointue en la matière pour assurer la performance des produits.
Cependant, on peut affirmer qu’il existe une demande grandissante pour des produits et matériel sportifs éco-responsables. Il y a un changement de comportement des consommateurs, ce qui pointe vers un gros potentiel de reproductibilité.
Yuyo ont par ailleurs pour projet de reproduire leur atelier de production pour l’instant unique à plusieurs endroits stratégiques afin de garantir une production plus locale et une utilisation de matières premières plus locales également. Les déchets plastiques existant en abondance, il n’y aura pas de compétition pour s’en procurer.
Cette rencontre constitue jusqu’ici notre plus grande découverte puisqu’aucune d’entre nous ne pratique le surf (encore !). Nous avons été absolument abasourdies par la quantité de déchets que produit l’industrie traditionnelle des planches de surf ! Nous n’avons jamais été sensibilisées à cette cause, ce qui nous a particulièrement secoué.
C’est d’autant plus incroyable que cette découverte en la matière a été faite par le biais de Romain, qui nous a de prime abord présenté sa solution au problème. Nous sommes ravies de voir que des personnes comme l’équipe Yuyo s’engagent et proposent des solutions aussi innovantes et novatrices !
Un grand bravo à ce projet que nous trouvons absolument formidable et nous avons hâte de voir comment ce dernier évolue dans les années à venir !
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