Le Potager des Castors

  FRANCE

Web : https://www.facebook.com/lepotagerdescastors/

Contact : Laurent Thierry, gérant de l’entreprise

Localisation : Doussard, Haute-Savoie

Secteur : Agriculture et vente de produits

Date de création : Avril 2016

Date de rencontre : Mai 2020

Maturité du projet : 4 années d’existence dont 2 années de culture et de nombreux projets à venir dans le futur donc en cours de développement.

 

Une micro-ferme maraîchère pédagogique en permaculture

Aperçu

Le projet de création du potager des castors est né en 2016 en réponse à un appel à projet de la communauté de communes d’Annecy. Celle-ci proposait de mettre à disposition (sans soutien financier) 2,3 hectares de terrain dans une zone d’extension de crus en bordure de la zone artisanale des Vernays (Doussard).

Le projet d’installation d’une micro-ferme maraîchère en permaculture sur ces lieux était à l’origine porté par 3 personnes d’un collectif de transition citoyenne destiné à aider les projets d’agriculture pour une alimentation saine. 2 ans après, faute de moyens financiers et de temps pour 2 des porteurs de projet, Laurent, le gérant actuel de la ferme, est le seul à rester dans le projet. Après 6 ans en bureau d’étude avec un diplôme de technicien en eau et assainissement, Laurent a voulu se reconvertir et a suivi plusieurs formations (maraîchage biologique en 2016-2017 et permaculture à l’automne 2017) pour obtenir l’expertise nécessaire au développement technique du projet, en complément de ses nombreuses lectures sur le sujet. Il a également rejoint en 2018 une couveuse d’entreprise durant 1 an et demi pour l’aider dans la gestion de la ferme.

Le potager des castors est né en étant placé sous statut associatif, avec un conseil d’administration associatif aidant à la mise en place de la ferme jusqu’en août 2017. Laurent a touché le chômage les 3 premières années du projet, jusqu’à ce qu’il fasse du Potager des castors son entreprise en mars 2019. Il a récemment été rejoint par une nouvelle associée et accueille de manière assez régulière des woofers qui participent au développement de la ferme.

En termes de surface, le projet étant destiné à être à taille humaine, une plus faible surface a été occupée par rapport aux prévisions : 2,3 hectares étaient mis à disposition à l’origine mais seulement 1,4 ont été gardés par la suite. À l’heure actuelle, 0,8 hectares non utilisés sont fauchés par un agriculteur et ce sont les 6 000 derniers m2 qui entrent dans le design du potager, avec 1 500 m² cultivés.

– 15 000€ d’investissements pour le projet 

– 0,6 hectares de terrain occupés (sur 1,4 hectares disponibles)

– Au cours de l’année, c’est 10 mois de travail et 7 mois de cultures

– Une 40aine de variétés de plantes cultivées (autour de 30 légumes différents cultivés et 10 fruits/petits fruits)

– 40 paniers de 2 à 14 kg de fruits et légumes (selon la saison) vendus à 12€ en AMAP/semaine/7 mois

– Chiffre d’affaires : 15 000€/ an (objectif de 20-25 000€ à terme avec plus de développement)

Eco-conception

La Permaculture consiste à développer un environnement durable, tant au niveau humain, avec une dominante sociale concrétisée en pédagogie, échange et entraide autour du Potager des castors, qu’au niveau écologique, avec un respect et une imitation des écosystèmes naturels. Dans la conception du projet par Laurent, le processus de production et de vente est optimisé pour minimiser l’impact environnemental, engager une démarche sociale et produire de manière plus efficiente.

Ecologie industrielle et territoriale 

Le Potager des castors a récupéré au début du projet des bâches à un horticulteur à moins de 50km qui n’en avait plus l’utilité. Dans la zone des Vernays, des broyats de bois issus de l’ONF et des tontes de 4 professionnels dont 3 basés sur les Vernays sont également récupérés de manière régulière.

Economie de la fonctionnalité 

Avec la vente de paniers via l’AMAP, la ferme offre une service : un panier par semaine de fruits et légumes de saison à prix fixe, et non un produit : un kilo d’un fruit ou légume spécifique par exemple.

Consommation responsable 

La ferme propose des produits frais, locaux et biologiques, qui respectent le cycle naturel des saisons. Ce sont aussi des produits associés à une ferme placée sous le signe de l’écologie, qui se veut de préserver et d’améliorer l’état de la biodiversité ainsi que de respecter les sols.

Allongement de la durée d’usage 

Les invendus de fruits et légumes sont valorisés en bocaux, sous forme de tartinades ou de confitures. La transformation se fait par un acteur local.

fonctionnement du projet

Pour écouter Laurent présenter la permaculture, tu peux regarder la vidéo tout en bas de l’article !

Avec le projet d’une ferme en permaculture, l’intention initiale de Laurent était de bousculer sa manière de penser, au-delà de sa reconversion professionnelle. Et cela passe par un schéma de vie alternatif, au niveau social, économique et environnemental, pour être durable tout simplement.

Dans ce projet de permaculture et de conception d’environnement durable où le social prend toute son importance, le réseau qui gravitait au départ autour des porteurs de projet a énormément aidé dans sa conception. Lors de la formation en permaculture de Laurent, l’organisation du potager s’est à nouveau redessinée avec 36 “cerveaux” supplémentaires.

Au Potager des castors, la ferme pratique le maraîchage sur sol vivant avec une polyculture biologique sans labour, sans aucune mécanisation et sur planches permanentes afin d’éviter la compaction, préserver la qualité du sol et augmenter la qualité de la production. Les seules interventions sont le paillage ou la plantation de couverts végétaux. 

L’aménagement des cultures se fait à l’aide d’un tableau d’associations favorables pour que les plantes se protègent mutuellement des parasites.

La ferme respecte également le cycle naturel des saisons pour produire ses fruits et légumes, c’est pour cela qu’elle ne produit que sur 7 mois de l’année. 

En permaculture, de par la volonté de reproduire ou à minima se rapprocher au maximum des éco-systèmes naturels et d’être plus résilient, chaque élément remplit plusieurs fonctions (ex : le paillage permet d’occulter, de protéger et de nourrir le sol). 

A l’inverse, chaque fonction doit être remplie par plusieurs éléments (ex : l’irrigation est assurée par l’approvisionnement en eau de pluie, en eau du réseau et également par les mares prévues dans la ferme). Cela se traduit également par la diversification de l’approvisionnement en nouveaux plants : 1/3 des plants sont achetés et les 2/3 restants correspondent à des graines que Laurent fait pousser (dont une toute petite partie de graines propres).

La ferme réalise 90% de ses ventes avec les paniers distribués chaque semaine via le réseau construit par Laurent. Les paniers sont livrés dans deux points de distribution locaux (à moins de 15 km). La taille des paniers n’est pas standardisée et varie de 2kg en début de saison jusqu’à 14 kg au début de l’automne (pour une moyenne d’un peu plus de 4kg par panier). 

Les surplus de production (200 à 300 kg répartis sur 3 mois en haute saison) sont écoulés dans un Biocoop local. 

La ferme vend également 400 à 800 bocaux/an. Ce sont des tartinades en tout genre (comme de la confiture de pomme de terre) réalisées à partir des invendus (200 à 400 kilos de concombre, courgette, tomates et courges principalement) transformés par une entreprise locale spécialisée.

Laurent a récemment entamé le commerce sur les marchés et celui-ci s’annonce prometteur.

La vente directe à la ferme a également été mise en place, avec un premier système de pré-commande et de paiement via siteweb ou application.

approche de développement durable

– Au niveau énergétique, la consommation est nulle dans la ferme (pas d’accès à l’électricité) et un chauffe-eau solaire pour chauffer l’eau de la douche sur place est à venir.

– En termes de préservation des sols, la ferme n’utilise aucun intrant artificiel polluant. 

– Le système de permaculture est accompagné d’une volonté d’enrichir la biodiversité locale avec des haies fleuries et l’installation de mares encore en projet.

– La récupération de matière organique via les artisans à proximité (tontes et broyat de bois) permet une économie des ressources.

– La vente des fruits et légumes se fait de manière locale (paniers distribués à moins de 15km et revente à un Biocoop local)

Pour les consommateurs des paniers en AMAP, le tarif est particulièrement avantageux : à 12€ le panier avec en moyenne un peu plus de 4kg de fruits et légumes par panier, le prix du kilo est autour de 3€, ce qui est très compétitif par rapport au marché des fruits et légumes biologiques.

Laurent emploie également un transformateur local pour produire ses bocaux et crée de la valeur au niveau du territoire.

Dans un système en monoculture intensif classique, la nature du travail sur les plantes varie en fonction des saisons et du cycle de développement des plantes mais reste la même sur des durées relativement faibles (1 semaine de récolte par exemple), ce qui peut vite en faire un travail très répétitif et peu intéressant pour les employés. A l’inverse, en permaculture, avec de nombreuses cultures à gérer et une taille d’entreprise plus petite, les tâches sont bien différentes. En une journée, Laurent, sa nouvelle associée et les woofers n’ont pas le temps de s’ennuyer !

Avec le woofing, c’est aussi une opportunité de dépasser une économie avec un devoir salarial pour se diriger vers une économie de la connaissance et du partage.

Reproductibilité & perspectives d'évolution

Facteurs initiaux nécessaires : 

– Le terrain a été mis à disposition via un appel à projet public pour un investissement initial réduit (pas de loyer ni d’achat de terrain)

– Le collectif : un projet construit à plusieurs et soutenus par d’autres personnes encore pour le faire avancer

Facteurs nécessaires au maintien du projet : 

– Des porteurs de projet avec un minimum de réserve financière (le gérant actuel a disposé de 3 ans de chômage) pour les débuts du projet faiblement voire aucunement rémunérateurs. Aujourd’hui, après 2 ans d’activité, la rémunération reste en dessous du SMIC pour le gérant (autour de 600€ par mois), ce qui n’est viable que parce qu’il pratique la sobriété dans son mode de vie.

Facteurs nécessaires au développement du projet : 

– Malgré l’absence de formation initiale pour Laurent dans les domaines du maraîchage et de la permaculture, il a pu suivre 2 formations qui lui ont donné l’expertise nécessaire au projet.

– Autre facteur nécessaire, un aménagement adapté au contexte géographique du lieu inondable avec une culture sur buttes et un projet d’aménagement de mares à proximité. 

Au delà des cultures actuelles et des récentes plantations en agroforesterie (les premières pêches sont prévues pour 2021), de nombreux projets sont en cours ou à venir pour aménager le potager : 

– La culture de houblon a été mise en place récemment, avec pour objectif de fournir des brasseurs locaux

– Des essais de culture de champignons ont été menés mais ils n’ont pas encore été concluants. Pour mieux fonctionner, cela nécessiterait 2500€ d’investissement. Le projet est envisagé à assez court terme, cette culture pouvant être bénéfique pour compenser le creux de revenus en hiver.

– Une expérimentation sur du lombricompostage est prévue en 2021 sur une plate-bande de 2m*30m. Le terreau obtenu sera principalement destiné aux semis de l’année 2022.

– Dans le potager, un élevage avicole est également prévu, avec l’introduction de poules dans un premier temps (la déconstruction d’une caravane pour la transformer en poulailler mobile est en cours) puis de canards coureurs indiens, particulièrement efficaces contre les parasites des plantes (limaces, petits insectes, mauvaises herbes) et sources d’engrais naturel. En parallèle de la mise en place de l’élevage, Laurent souhaite pouvoir habiter sur place, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cela implique notamment d’installer un réseau d’électricité qui n’est pas encore accessible financièrement. 

– A plus long terme, le potager devrait être complété par l’aménagement de mares à proximité. Celles-ci permettront la création d’un micro-climat pour accueillir la faune et la flore et serviront de réserve d’eau. 

Laurent souhaiterait également développer l’accueil et la pédagogie autour du potager pour les groupes de personnes handicapées, les enfants ou encore pour la réinsertion sociale. 

Du côté de la commercialisation, le marché est une voie prometteuse. Laurent espère développer davantage la vente directe et la cueillette à la ferme.

C’est une ferme qui cultive un nombre important de cultures sur une surface réduite (0,6 hectares), phénomène assez rare quand on sait que la taille moyenne des exploitations en France est de 65 hectares. La gestion peut être compliquée en termes de main d’œuvre et de ressources financières. 

Mais l’exploitation va dans le sens de la permaculture, pour une biodiversité toujours plus importante, tant dans les plantes cultivées qu’autour de l’exploitation. La ferme utilise des méthodes de production écologiques qui ne s’arrêtent pas au biologique ni au maraîchage sur sol vivant mais qui vont plus loin, notamment avec l’association bénéfique de cultures.

C’est une ferme qui cherche à développer une pédagogie et un accueil, alors qu’elle pourrait s’en tenir à la production et la vente.

Le Potager des castors nous donne de nombreuses clés pour comprendre ce que représente la permaculture, concept souvent flou, tant dans la méthode de production que dans le mode de vie du gérant et de gestion de la ferme.

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