Web : https://bees-coop.be/
Contact : contact@bees-coop.be
Localisation : Bruxelles, Belgique
Date de rencontre : 25 mars 2023
Maturité du projet : Mature
Repenser notre rapport aux produits que nous consommons en s’intéressant davantage à leur origine, leur accessibilité ainsi qu’à la juste rétribution des producteur.ice.s est essentiel à la réussite d’une transition alimentaire.
Et l’émergence de structures telles que BeesCoop, porteuses de nouveaux modèles de consommation, est alors primordiale.
BeesCoop, ou Coopérative Bruxelloise Ecologique, Economique et Sociale, est un supermarché coopératif situé au cœur du quartier de Schaerbeek dans la capitale belge. Ouvert depuis 2017, BeesCoop naît du regroupement de jeunes bruxellois.e.s, désireux.se.s de trouver un moyen de détourner notre consommation du monopôle des grandes enseignes. L’objectif est de créer un modèle d’approvisionnement et d’achat respectueux des humains et de l’environnement, et rémunérant justement les producteur.ice.s, trop souvent délaissé.e.s par les grandes surfaces et soumis.e.s à la compétition déloyale du marché international.
Initialement un GASAP (équivalent des AMAP en France), BeesCoop se transforme alors progressivement en véritable supermarché coopératif, s’inspirant de certains modèles fonctionnels à l’étranger, tels que la Louve à Paris ou Park Slope à New York et regroupe aujourd’hui 2000 coopérateur.ice.s.
Au centre du modèle : les coopérateur.ice.s
« Le magasin c’est nous »
Thierry, coopérateur
Le modèle d’un supermarché coopératif repose sur ses coopérateur.ice.s qui portent un triple rôle :
Mais quels en sont les avantages ? Et bien celui de pouvoir disposer de nombreux produits sains, écologiques et équitables, dans une structure soucieuse de la juste rémunération de ses producteur.ices, et surtout à prix nettement plus accessible que dans les autres surfaces d’achat, à qualité équivalente.
Et l’appartenance au projet de BeesCoop en tant que coopérateur.ice.s n’est pas seulement ouvert aux consommateur.ice.s individuel.le.s, mais également à des associations (ASBL) ou d’autres structures, qui peuvent investir dans le supermarché et prendre part à la coopérative. C’est par exemple le cas du Boentje Café (article), café zéro déchet membre de la coopérative, mais qui, en étant exempté de travail lors des shifts, offre des réductions aux coopérateur.ice.s en échange sur les produits qu’il propose. Cette collaboration entre projets, très présente dans la capitale belge, permet de tisser progressivement un réseau à l’échelle de la ville, et participe ainsi à leur rayonnement et à leur épanouissement.
Comment rendre tout cela rentable et autonome ?
BeesCoop suit un modèle d’économie sociale et solidaire, et se base ainsi sur les principes suivants :
En gros, tout cela signifie que l’objectif premier du modèle n’est pas de générer une plus-value purement monétaire, mais de pouvoir créer un fonctionnement aux externalités sociales et environnementales positives, et cela par la force de l’engagement et de la solidarité citoyenne.
Ainsi, là où l’une des finalités d’un modèle conventionnel serait de chercher un profit économique, tout en devant financer l’ensemble des consommations intermédiaires, BeesCoop place l’humain au premier plan, en cherchant avant tout à satisfaire des engagements sociaux tels que la juste rémunération des producteur.ice.s et le maintien de produits de qualité à prix accessible. Les seules entrées d’argent, issues de très faibles marges (un produit acheté à 1€ est revendu à 1,2€) et de l’achat des parts par les coopérateur.ice.s, servent uniquement au fonctionnement de base de la structure et au financement de quelques salarié.e.s.
Tout cela est permis par la force sociale issue de l’engagement bénévole : plus besoin d’argent pour faire tourner la machine, les coopérateur.ice.s s’en chargent 3h par mois, préférant les bénéfices sociaux et alimentaires qu’iels en retirent plutôt qu’une rétribution financière brute. Les dépenses normalement nécessaires dans un système conventionnel sont ici évitées, et cela permet alors de combiner une marge quasi nulle à des prix attractifs.
« Il y a un certain orgueil, une certaine fierté de faire partie de ça, d’y apporter ma petite contribution, je trouve que c’est une richesse »
Anna Maria Bagnari, coopératrice
« On essaie d’en faire un one stop shopping, de trouver en un seul endroit tout ce qui est nécessaire aux ménages »
Marie B. Carlier, coopératrice
En effet, la volonté de BeesCoop est de posséder une gamme suffisamment large de produits: un passage au supermarché suffit pour acheter l’ensemble des produits alimentaires ou d’hygiène de première nécessité, et limite ainsi le besoin d’aller compléter ses courses dans une autre surface de distribution.
La priorité est donnée aux petit.e.s producteur.ice.s locaux. Ensuite, certains produits sont issus de groupements de producteur.ice.s ou de grossistes. Dans tous les cas, BeesCoop tient à privilégier des relations directes et à n’utiliser que le circuit court. Afin de dépasser une relation purement commerciale, la coopérative s’employait à organiser des rencontres et évènements de partage entre coopérateur.ice.s et producteur.ice.s, tels que des ateliers de cuisine, ou des sessions de travail dans les champs, afin d’aider les agriculteur.ice.s. Aujourd’hui, le manque de place dans les locaux ne permet plus vraiment la tenue de ce type d’évènements, mais les coopérateur.ice.s ont à cœur de perpétuer le lien social qui les unit avec les producteur.ice.s.
Par ailleurs, l’origine et la qualité des produits est étudiée consciencieusement, et ceux-ci doivent d’ailleurs respecter divers critères. Par exemple, les produits ayant été acheminés en avions, cultivés en serres chauffées ou contenant des OGM ou additifs nocifs sont exclus. A l’inverse les produits biologiques et locaux sont bienvenus. Pour chaque produit, une étiquette contient de façon exhaustive l’ensemble des informations à savoir et spécifie ainsi sa qualité. Afin de garantir l’accessibilité de certains produits, la coopérative tient à conserver une gamme assez large de prix pour un produit donné, du moment que celui-ci respecte les critères établis.
En plus de cela, BeesCoop tente de minimiser au maximum les déchets générés par le supermarché. Lorsque que certains produits sont proches de la péremption, les prix sont rapidement bradés, et cela va de meme pour certains fruits et légumes abimés ou défraichis. Et si tout cela ne suffit pas, BeesCoop entretient un compost, qui est ensuite utilisé par des regroupements de maraicher.e.s dans la ville ou en périphérie.
Le système coopératif implique une participation de l’ensemble des coopérateur.ice.s à l’organisation et au pilotage du supermarché. Cette implication se traduit 4 fois par an lors d’assemblées générales durant lesquelles chaque membre participe et prend part aux votes, avec un nombre de voix égal pour chacun.e. Un comité de coordination et un conseil d’administration sont également élus, et les représentant.e.s comptent parmi les membres de BeesCoop. Certaines élections s’effectuent également sans candidat.e et traduisent alors au mieux les volontés des membres. Au sein du conseil d’administration, les décisions sont prises par consentement, c’est à dire que tous.tes doivent être favorables à la proposition émise, qu’iels considèrent comme positive au projet.
Ensuite, chaque membre peut prendre part à divers comités organisationnels et opérationnels, garants du bon fonctionnement du supermarché, mais travaillant également sur les questions de mixité sociale ou d’accessibilité du projet à un public plus large.
La dynamique instaurée dans BeesCoop assure une transparence et une communication continue entre ces différentes unités décisionnelles : aucune décision n’est prise à la marge, et chaque coopérateur.ice.s a son mot à dire. La finalité sociale de BeesCoop est d’ailleurs garantie par le comité sociétal, qui s’assure du respect des valeurs et des missions de la coopérative.
Aujourd’hui, BeesCoop compte 2000 coopérateur.ice.s, et peut encore en accueillir davantage. Et pourtant, la gouvernance démocratique n’en est pas moins déstabilisée ! La responsabilisation de chaque coopérateur.ice.s, et la place centrale qu’iels occupent accroît le sentiment d’appartenance au projet : il ne s’agit plus seulement de faire ses courses passivement, en déambulant au hasard dans les rayonnages jusqu’à se faire attirer par un packaging accrocheur, mais de réellement prendre part à une micro-société, participant à la construction d’un système alimentaire résilient et juste, vecteur d’espoir pour demain.
« J’aime bien venir ici faire mes courses, l’humanité qui s’en dégage, ce n’est pas un geste passif. J’ai un supermarché à coté de mon boulot, ce serait facile de sortir du boulot et d’y aller directement. Mais je préfère venir ici, ici c’est très impersonnel. On y passe bcp de temps dans les magasins après tout, pour s’alimenter. Pour moi, l’aspect humain est très important, le sentiment de faire partie de ces lieux »
Anna Maria Bagnari, coopératrice
Et d’ailleurs, la reconnaissance sociale ressentie grâce à l’appartenance à se projet se manifeste progressivement. Le quartier dans lequel se situe le supermarché est plutôt populaire, et habité par un public peu sensible à ce genre d’initiative, incitant par ailleurs le travail d’ouverture au sein de la coopérative. Et pourtant, une fête organisée lors du 5ème anniversaire de la coopérative a offert un court instant de rayonnement au projet à l’échelle du quartier, et a suffi à changer certains regards extérieurs, désormais davantage intéressés sur l’activité qui se tient en ces lieux.
«Quand on se dit bonjour, il y a quelque chose qui s’est passé depuis l’anniversaire. Oui, il y a une plus grande sympathie spontanée des gens du quartier vis-à-vis des membres de la coopérative »
Marie B. Carlier, coopératrice